On ne sait jamais, mettez votre ceinture. Ca va démarrer doucement, mais cela dépend aussi de où vous êtes assis.
Une première question, pour se mettre en appétit. Il y avait-il du sucre dans les fruits avant qu’une bouche ne morde dedans ?
Il y a même des plantes qui n’en font pas.
Croquer à pleine dent dans une pomme bien mûre au goût exquis, saliver d’en boire son jus tout en mâchant sa chair facile, et jubiler. Un choix ? Certainement. Lequel ? Le choix de qui ?
Pardon, pas trop vite quand même.
A l’échelle de l’humain, le coup de la pomme, c’est une mère qui plonge dans les yeux de son nouveau-né, et s’y noie, direct, telle une proie, sans sinuer. La vie s’insinue ainsi, naturellement, comme qui dirait ! Elle chemine. Et elle crée un chemin, pavé de joie.
La joie, c’est le tournevis du vivant. Ca solidarise, ca visse pour tenir, car le chemin est parfois cabossé. Au de la de la sélection naturelle pour assurer la relève, le cabossage est un moyen. Il est parfois si intense que le stratagème passe inaperçu. Ce qui ne te tue pas te rend plus fort, en effet. Cela étant, ce n’est qu’un algorithme. Il y en a d’autre… et la même question : a-t-on le choix ?
La pomme choisit-elle de se sucrer ? Est-ce l’arbre qui décide ? En tout cas il fait son boulot. Si une de ses branches cassent, voire plusieurs, il devient en danger. Le danger ultime du vivant : mourir. Alors les fruits de l’arbre cassé seront d’autant plus sucrés.
Commencez-vous à distinguer l’aventure ? Bon en tout cas je continue, car à ce stade, seul l’écriture va me le révéler. En vous écrivant, je cherche… un moyen comme un autre. Plus accessible que de trouver une personne avec qui avoir cette conversation… et moins folle que de devenir schizophrène et tenter de dialoguer avec moi-même.
Bref. Nietsche l’a bien vu, ça marche aussi pour les plantes. D’autres appellent ça une mécanique d’émancipation. La souffrance en est une. Primaire, brutale, souveraine. La joie en est une autre, tout aussi fondamentale. Celle-ci peut être très loin de ces choses mièvres qui voudrait nous faire sourire. Mais elle est si essentielle que sa lumière hypnotise, et que certains la cherchent uniquement pour la ressentir, sans se rendre compte de ce qui se trame en coulisse.
Vous l’aurez compris, ici le but c’est d’étudier les coulisses. Vulgairement, sans vraiment savoir ce qu’il a au bout de ces lignes, je peux vous dire une chose : Boris aimer beaucoup sucre.
Il y a beaucoup de sucre dans ces coulisses. Comme le loup flaire son gibier et se met en chasse, j’écris. Il sait qu’il se met aussi en danger, mais c’est la règle du jeu. C’est grâce à ce danger qu’il est devenu loup. Prenons une minute de rétrospective : d’abord il y a eu les cailloux, puis les plantes, puis les animaux, puis les humains, puis
On a dit pas trop vite quand même, j’oubliais. Mais bon, c’est irrépressible chez moi…
Par exemple : La gravité incolore, minérale ; la chaleur, verte, végétale ; l’appétit, rouge, animal ; les émotions, bleues, humaines ; la conscience, indigo, du cinquième règne qui s’ouvre, la nouvelle fleur, dont ce livre voudrait être le miel.
OK ça va, je freine et rejoins l’étude. Revenons à nos loups, et à l’objet de cette chasse.
J’aimerais vous l’avouer, la peur du loup, enfin, celle qu’il ressent quand il part à la chasse, je la sens à cet instant même où j’écris ces lignes. Une obscure angoisse. Peut-être celle d’Icare, avant qu’il ne s’élance. Et même pendant. Malgré tout, la pression est trop forte. Un temps vient, et crie que rester sous forme de graine devient bien plus inconfortable que de s’exposer au grand jour. Une histoire de pression sans doute. Un autre moyen, très efficace, celui-là ! il crée la joie du soulagement, quand la pression est libérée. Tout autant que la faim du loup, que son appétit vorace, irrépressible, cherche à assouvir. Sa faim, sa voracité, son contentement. Un loup qui a bien mangé doit être très heureux. J’en suis sûr. Et que dire de l’humain. Une des spécialités de mon oncle, et il en a tout un carquois, c’est la tarte tatin. Je peux vous parler de ce bonheur. A s’en croquer les doigts.
La joie donc. Oui pardon, certain s’en seront rendu compte, j’écris en boucle. Non pas en rond sans aller nulle part, bien au contraire, mais en faisant plein de boucles dans tous les sens, en suivant le courant de ma pensée, rivière parfois impétueuse. Et puis du coup on peut visiter les environs. Le décor, ça compte !
La joie donc. La joie de manger du sucre, c’est vrai, c’est réel. L’idéel, c’est que la joie c’est aussi un sucre en soi. On la poursuit comme si notre vie en dépendait, jusqu’à oublier que c’est elle l’objet, et pas nous… nous voici revenu à une boucle précédente : quel choix, et qui le fait.
Soit, autrement dit : quel est l’objet ? Quel est le sujet ? L’animal trouve le sucre dans le fruit, car l’arbre l’y a mis, pour que l’animal le mange, et défèque la graine avec son compost qui va la faire germer. Ainsi naquis un nouvel arbre. Il s’est reproduit, et l’animal s’est nourrit. Gagnant-gagnant. C’est ça la vie. Le sujet c’est l’arbre ou l’animal, et l’objet la reproduction, la perpétuation du vivant.
Maintenant changeons de référentiel. Mettons que l’arbre ou l’animal soit l’objet. Et le sujet la vie. En perspective, bien alignée sur une belle table, un caillou, deux brins d’herbe, trois coccinelles, quatre enfants, cinq fous. Autant de formes de vie, qui évoluent, gagnant à chaque saut en attributs, comme si elles ressemblaient de plus en plus à quelque chose. Comme si l’image du miroir mettait un temps très long à venir. La vie prend forme, s’habille de corps et d’esprits.
L’eau bouillonne et mémorise, la plante grandit et reproduit, l’animal court et transmet, l’humain passionne et crée, le suivant conscience et transforme. Eh oui, conscience est aussi un verbe. Le cinquième verbe. Chaque forme conjugue le vivant, qui devient de plus en plus quelque chose. Une forme de plus en plus fidèle à ? Grosse question…
A nouveau, déplaçons le référentiel. La vie devient l’objet, et X le sujet. La vie comme un moyen, non pas comme une fin. Non pas : « j’aime une femme, on fait des enfants (bcp de sucre…, de joie, de galère aussi !) je travaille, je nous nourris (parfois mal), on va à la plage (parfois en polluant), je meurs (à chaque fois), et la vie continue (toujours) » ce qui signifie moi individu humain suis le sujet et je fais ce que je veux, c’est moi qui choisis, mais plutôt : je suis l’objet du vivant, en perpétuelle évolution, dont je suis la 4ième phase sur cette planète. Hier il y avait des volcans, aujourd’hui le je sait faire des cathédrales, demain il saura pourquoi.
Mon je doit être pressé... vraiment !
Aucune importance, je ne suis qu’une forme parmi plein d’autres, et je ne fais que mon boulot. Lequel ? Comment pourrait-on dire... ? « mieler » peut-être ?
Quant à la question « «il y a-t-il des formes de vie ailleurs que sur terre ? » Je vous répondrais qu’il y a autant de planètes avec des formes de vie dessus que de pommes dans un verger. Dans tous les vergers cumulés de tous les jardins. La vie, considérée comme objet, comme un moyen d’élaborer une forme bourrée d’attributs, obéirait-elle différemment ailleurs ? Le soleil brille-t-il différemment sur mars ? Quand mars est le sujet, oui en effet le soleil n’a pas le même éclat sur mars qu’ailleurs. Quand le soleil est le sujet, il brille, un point c’est tout. Au prisme de chaque sujet, de chaque individu par exemple, la lumière a différents effets sur chacun. Vraiment très différents. Suffit de constater. Prenez un thénardier (dont on aura volontairement ôté la majuscule) bien beauf agenouillé au comptoir, rouge aviné, éructant un racisme pédophile d’extrême droite, et de l’autre côté le symbole de virilité qu’a pu être Gandhi. Le 4 se dessine comme une croix, ou un carrefour, dont la barre verticale peut descendre très très bas… ou monter très haut. Je vous le confie chers amis, vivement le 5 !
Mais bon voilà, un caillou ne mange pas de sucre. Le miel de la conscience n’est pas un aliment universel. Quand bien même, je lance le galet dans l’eau, pour voir si l’onde atteindra un bord habité, et avec de la chance, par une folle ou un fou. C’est mon sucre. Je suis aussi un objet. Il me revient de discerner lorsque je suis sujet et lorsque mon je est objet. Les deux peuvent se lire à tout moment. C’est en fonction de ce moment que le choix de lecture se fait. Lorsque la fonction se dévoile, que les attributs si chèrement élaborés opèrent, que le miel se crée et nourrit.
Par exemple lorsque mon je écrit à cet instant, il est objet. Totalement soumis à l’exercice, au métier de forme de vie assumée, dont la conscience éclaire le sujet, dont je ne distingue encore que l’éclat. Évidemment que, comme un imbécile, quand je regarde le soleil, ça m’éblouit. Mais de moins en moins. Un jour mes vrais yeux sauront peut-être toucher de la rétine ce qui est au-delà de cette lumière. Pour l’instant, nul besoin d’en faire une image, asservit qu’elle serait au monde d’en bas où mon je erre avec tant de langueur. Elle paraît si loin cette lumière, quand le cabossage inonde mes sens, quand tout est cassé et gémit, hurle. Mon je est un écho érrant. Bien sûr je gère, je sers, je fais mon possible pour réparer, en commençant par le pire. Je me languis parfois d’être parmi les miens. Je suis un aveugle que personne ici-bas ne peut toucher, et qui ne voit plus sa famille. Par contre je vois tous les autres. Tous les singes de ce zoo. Zoo par ailleurs géré par ces mêmes singes. C’est vous dire si on n’est pas sorti de l’auberge !
Et me voilà sujet… hop comme par magie, sans même s’en rendre compte…
Passons. Un peu de spleen ne saurait nous dérouter. Enfin, presque pas, car si j’en suis là à vous écrire, c’est bien qu’il y a déroute… la bonne nouvelle c’est qu’il y a des routes, pleins même !
Et oui elles mènent toutes à Rome, en effet. Un peu comme les fils qui pendouillent d’un tapis au-dessus de nos têtes. Chacun tire son fil favori, comme appâté par le même tapis. Pas très loin il y a un poisson sous l’eau qui voit le fond plat d’une barque et un ver défaillant relié à un fil de barque. Quant à nous humains, pas besoin d’hameçon au bout du fil, notre appétit suffit. Y’en a même qui grimpe à leur fil ! A dire vrai, le tapis c’est la canne à pêche. Qui est le sujet ? qui se trouve sur le tapis ?
Pour ça, il faut déjà saisir un fil, et monter. Ascensionner, vertical, donc laisser aller l’horizontal. Ce n’est pas l’ascétisme non plus. Il ne s’agit pas de fuir mes désirs, irrépressibles, mais de les vivre sans illusions, tels qu’ils sont : des objets. Et moi sujet avec ces activités terrestres formons un ensemble qui est aussi un objet, dont le sujet est la vie. Et la vie avec ses formes, qui sont ses objets, forme aussi un plus grand ensemble, un plus grand objet, dont le sujet est X.
X est assis sur un tapis. Pour moi indéfinissable, il peut commencer (et faillir) à être décrit par ce qu’il n’est pas. Prenons par exemple un curé, ou un imam, ou un rabbin. Il nous dit : « entre vous et ce qu’il y a sur le tapis, il y a moi. Je vais vous expliquer comment il faut faire pour vivre comme sur le tapis, mais vous allez rester ici, parce qu’il n’y a pas assez de place pour tout le monde. Nous les prêtres on peut y aller, pour ensuite redescendre, nous baisser jusqu’à vous, pour vous expliquer comment il faut faire. En contrepartie de quoi, on va vous prendre une partie de votre miel, parce que monter et descendre du tapis c’est quand même fatiguant.
« Les fils passent tous par nous, celui qui décide de grimper ne peut que nous rejoindre. S’il vient à quelqu’un l’idée de monter sur un fil invisible qui nous aurait échappé, on va le voir monter. On va l’entendre chanter. Et on va tirer dessus. On sait faire, ça fait depuis qu’on a compris qu’il y avait un tapis qu’on se bat entre prêtres pour gagner tous les fils.
Pour nous les fils c’est des pailles. Et on aspire votre miel avec. »
J’aimerais vous confier que ceux-là n’ont jamais vu le tapis que de dessous, et que le jour où ils montent dessus, ils passeront au travers pour redescendre illico. Pour retomber, plutôt.
Fut un temps, écrire ça où je me trouve vous envoyait à l’échafaud ! C’est dire à quel point le miel du peuple est délicieux ! Et ce temps est toujours là, ailleurs. Il est encore très tôt en ce monde! D’où ma crainte que les ondes de ce galet n’atteignent jamais de rivage lumineusement habité.
Il est très tôt mais le jour se lève inexorablement. Sur la ligne de front, celle qui conquiert le néant pour y crée la forme la plus fidèle possible à X, sur cette ligne pousse des champignons. Des coquelicots, comme il vous plaira. Choisissez votre forme préférée, qu’elle vous inspire, et fleurissez. Au bord du chemin, soyons les fruits, le sucre, les graines, et mangeons-en ! Je suis un fruit, je me nourrit de fruit, je suis sujet, je suis objet. Je sers.
Tout est un moyen, tout peut être une fin. C’est au choix. C’est un angle, une lecture de la situation. En fonction de comment je la considère, de comment je me considère, cela va déterminer mon rayon d’action, et mon action.
Exemple, j’arrive à un barbecue, tous deux endimanchés, et entre deux régals s’ouvre une dispute. Le ton monte, les deux congénères se crient dessus, avant de raccourcir leurs manches et leur dignité. Considérons les deux zouaves comme sujet, et la colère comme objet. Ce faisant, je commence déjà à sentir des émotions monter en moi, sans que je ne les invite. Pourtant je les admets. Et je vais faire valoir mes idées. Et la colère se répand, d’autres s’en mêlent, les alliances se créent et les guerres s’enflamment, généralement sans femme, car c’est souvent UN général désarmé.
Un autre angle : la colère comme sujet, les protagonistes comme objet. La colère conquiert les hommes, sans distinction, et ceux-là agonisent en blâmant l’autre. Le processus à l’œuvre leur échappe totalement. La colère colonise et les hommes se battent car certains sont habillés en jaune et d’autre en rouge.
Un autre angle, la caméra monte en altitude : la vie comme sujet et les humains comme objets. Ceux-ci se battent, comme la tempête casse les branches, les lionnes chassent les buffles, et le vainqueur célèbre sa joie, tout aussi irrépressible que sa colère. Il s’installe sur le territoire conquis et fait des enfants, plante du blé, va à la plage. La vie gagne, quelque-soit le camp. La forme est vivante, régulée par les attributs qui sont les siens aujourd’hui. Ces attributs vont pouvoir continuer à évoluer, jusqu’à générer un nouveau règne, et ainsi de suite.
Quelle est mon action ? Vais-je tenter d’empêcher les hommes de se battre ? Vais-je tenter d’empêcher ce courant de vie de se produire ? A qui vais-je m’opposer ? Aux hommes ou à la vie ? Cela dépend selon que je me considère comme sujet, ou comme objet, et de quoi je suis l’objet.
Mais la guerre elle-même, comme tout rapport de force, est aussi un moyen. La souffrance qui ne tue pas rend plus fort, mais est-ce la seule force de vie en action ? Parfois même tous les protagonistes meurent, des deux côtés… Et la vie gagne quand même, car cette forme-là n’était pas viable, tout simplement.
Considérons maintenant la vie comme objet, X le sujet. L’angle de l’apport de force. Le sucre. La caméra s’envole, quitte le barbecue, moi avec, gourmand, décidément résolu à servir un courant plus sucré. J’abandonne ce royaume, laisse les boucs s’éborgner, prêt à passer pour un lâche aux yeux des biquettes. Il y a d’immenses prés magnifiques où la vie pousse admirablement, elle qui ne demande qu’à fleurir, et donc fonctionner. Le territoire de mon je est un choix. Il peut être fait de terre, et mon je peut avoir une nationalité. Il peut aussi avoir pour territoire la vie elle-même. Différent jardin, différent jardinier, différents fruits, toujours le sucre.
Concrètement ? A 26 ans, j’ai pris la route de l’apport de force. Je marche depuis, avec un pinceau dégoulinant dans la main, histoire de décorer le paysage dénudé et laisser des traces. Le Burkina Faso m’a trouvé, et l’onde de mon galet a ricoché dans l’âme d’un frère, d’un jumeau, intégral.
Depuis, l’œuvre progresse, lentement mais sûrement. Les projets se suivent et se multiplient, au gré des situations, et cependant sans enjeux
Au final, vous voulez être le sujet ? alors servez !